Beschreibung
Société Centrale Evangélique, Paris, 1915, 8 Seiten. Broschur, Heft.
« A 10 heures on donnera l'assaut ». Cet ordre du grand chef s'est transmis rapidement, et maintenant, dans les tranchées, c'est l'attente pleine d'angoisse. Sans doute l'artillerie qui ne cesse depuis de longues heures de battre les lignes ennemies, fait de bon travail; les réseaux de fils de fer barbelés seront hachés quand nos troupes s'élanceront; sur bien des points les tranchées allemandes seront retournées et de larges brèches faites dans leurs organisations défensives; mais nos soldats n'ignorent pas à quelle profondeur l'ennemi sait se terrer et quels guets-apens les attendent dans le dédale des boyaux et des galeries. Et puis, il y a ces mitrailleuses ! ces maudites mitrailleuses qu'on ne parvient jamais à détruire complètement; elles sont cachées là où l'on ne le:s soupçonne pas et tout à coup, le vilain moulin à café se met à tourner, les balles tombent comme la grêle et là où elles tombent, tombent aussi les hommes, comme des épis fauchés. Et tous les autres engins de mort, les crapouillauds, les grenades, etc..., nos poilus les connaissent, ils les ont vus à l'oeuvre. Heureux ceux qui leur échappent ! ceux-là ont de la chance, mais la chance est petite, petite comme la surface du sol qui n'est pas criblée par les projectiles. 10 heures moins le quart ! Il semble qu'à l'approche du moment où elle devra se taire, notre artillerie redouble d'activité, elle tire comme avec rage, la rage de tout démolir ; une véritable pluie de fer s'abat sur les lignes allemandes, soulevant un nuage de poussière qui reste en suspension au-dessus d'elles. « Tout de même comme ils en prennent ! » murmure un de nos soldats ; mais les camarades se taisent, on n'a pas envie de parler, les gorges sont serrées et le cœur est étreint d'une émotion étrange, cependant que la lucidité de l'esprit reste intacte et que, même, l'activité cérébrale soit accrue, chez ces hommes qui vivent d'une vie intense, les minutes, qui, pour plusieurs, les séparent de la mort. Le capitaine qui doit donner le signal de l'attaque, d'un geste nerveux, retourne vingt fois de suite son poignet, pour consulter sa montre-bracelet. C'est le seul geste qui trahisse son émotion. Sa figure un peu pâle demeure calme et ses soldats aiment à la regarder, mais lui, éprouve comme un malaise à sentir, sur lui, peser ces regards, car, en vérité, sur le coeur d'un homme, de tels regards et dans un tel moment, sont des regards qui pèsent. Il lit dans les yeux de tous ces braves gens, dont il partage la vie, qu'il a appris à aimer, tant d'anxiété, qu'il en oublie le danger qui le menace, lui, avant tous les autres, pour ne songer qu'à sa responsabilité de chef et à sa responsabilité d'homme vis-à-vis de ces hommes. Il fera son devoir et sur son ordre, ses soldats feront le.